La politique de crédit
des systèmes de banques libres 2
Le Rhode Island 1819-1860
1.3.1 Les conditions de réglementation
Le Rhode Island est un petit état caractérisé par une place de l’agriculture dans l’économie plus importante que dans celle du Massachusetts. Les conditions de réglementation sont relativement similaires à celle du Massachusetts, à l’exception de la taxe sur les fonds propres qui n’est que de 0,1 %. Les conditions de développement de l’industrie bancaire sont si favorables que le Rhode Island possède le montant de capital bancaire par habitant le plus élevé au monde (à l’époque). Juste quelques estimations qui illustrent au passage le retard français : Le capital bancaire par habitant est en 1860 de 121 dollars pour un habitant du Rhode Island soit plus de 600 francs. Le capital bancaire par d'habitant est en 1858 de 50 dollars pour un habitant du Massachusetts soit 250 francs. Pour la France, le capital de la Banque de France par habitant est inférieur à 5 francs par habitant en 1858. Si l'on ajoute l'estimation récente d'Alain Plessis, Banques locales et banques régionales en France au XIXème siècle, Collection Michel Lescure éditeur, Albin Michel, Paris 1999, le capital de ces banques serait de 600 millions de francs (chiffre le plus favorable). Même en ajoutant le Comptoir National d'Escompte (20 millions) , le Crédit Mobilier (45 millions), et le Crédit Foncier (25 millions) , le capital bancaire par habitant en France reste inférieur à 30 francs (Cette estimation est très généreuse pour la France).
Le nombre de banques au Rhode Island (1791-1860)
L’analyse de bilan des banques du Rhode Island
Les graphiques du Rhode Island RH1-4 se trouvent aux pages 50-53 de l’annexe.
1.3.2.1 Les postes du passif
Les fonds propres représentés par la série « capital » sur le graphique RH2 fluctuent entre 68 et 80 % du total de bilan des banques. La circulation (billets) représente moins de 20 %. Les comptes à termes représentent 10 % du passif avant 1842 et 2 % après. Les comptes à vue passe de 0 avant 1842 à 10 % après. Il y a peut-être eu une modification de la réglementation. Les banques ont entre 2 et 5 % dettes à vue dans les autres banques.
1.3.2.2 Les postes de l’actif
Le graphique RH1 montre que les crédits à l’économie varient de 80 à 90 % du total du bilan. L’encaisse représente moins de 10 %, les titres passent de 7 à 1 % sur la période. L’encaisse ajouté à l’escompte interbancaire et aux comptes à vue détenus dans d’autres banques représentent en moyenne entre 10 et 12 % de l’actif.
1.3.2.3 L’évolution du crédit réel et du crédit artificiel
Le graphique RH3 montre la même rupture en 1842 que pour le Massachusetts. Avant 1842, il n’y a pas de crédit artificiel, après 1842 il est inférieur à 20 %. Le crédit réel fluctue autour de 80 %.
1.3.2.4 La stratégie de financement de la politique de crédit
Le financement du crédit présenté par le graphique RH4 se fait exclusivement par des fonds permanents. Les banques ne financent pas le crédit par la création monétaire. Le crédit est stable : la plus grosse baisse intervient en 1856-57 avec une baisse de 9,6 % et de 3 %.
Conclusion : Le Rhode Island présente une grande stabilité et confirme les caractéristiques déjà observées pour le Massachusetts. Nous allons maintenant retrouver ces caractéristiques au niveau de l’analyse des banques belges.
Les Banques Belges avant 1850
1.4.1 Les conditions de réglementation
La Banque de Belgique (BB) et la Société Générale de Belgique (SGB) ont formé pendant une quinzaine d’année un duopole fonctionnant sous un régime de liberté bancaire. Elles ne faisaient pas fondamentalement le même métier, même si elles émettaient toutes les deux des billets. La SGB s’est spécialisée sur les prises de participation dans les entreprises industrielles. Elles étaient en concurrence toutefois pour le financement des trésoreries des entreprises.
1.4.2 L’analyse de bilan les graphiques se trouvent aux pages 34-41 de l'annexe
1.4.2.1 Les postes de l’actif
Les graphiques BB1 et SGB1 montre que l’essentiel de l’actif est constitué (plus de 90 %) de prêts à l’économie. Comme pour les banques de Nouvelles Angleterre la part de l’encaisse métallique est très faible.
1.4.2.2 Les postes du passif
Les graphiques BB2 et SGB2 montrent que les banques se financent majoritairement à partir de fonds permanents. Les fonds propres sont augmentés par la mise en réserve des profits et l’existence de comptes à terme permet d’attirer une épargne stable pour l’investir dans l’économie. Pour la SGB, les fonds permanents varient entre 65 et 85 % du passif. Pour la BB, cette proportion varie entre 60 et 78 %.
1.4.2.3 L’évolution du crédit artificiel et réel dans le total de bilan
Dans les deux cas la part du crédit réel est majoritaire, plus de 60 % du total de bilan pour la BB selon le graphique BB3 et pour la SGB également toujours supérieur à 60 % selon le graphique SGB3.
1.4.2.4 La stratégie de financement du crédit
Les graphiques SGB4 et BB4 montre que le crédit est financé par les fonds permanents. Le crédit est stable notamment durant la période 1845-1848. A la même période, les variations du crédit au niveau de la BdF sont infiniment plus importantes. La BB est relativement épargné par la crise de 1846 parce qu’elle est moins exposé au risque ferroviaire que sa concurrente. Cela explique la diminution du crédit de 10 % de la SGB en 1847.
1.4.3 Conclusions et interprétations
L’expérience belge de banques libres confirme que la liberté bancaire oblige les banques à financer leurs avec des fonds permanents. L’expérience belge confirme les prédictions de la modélisation du chapitre 5. Les résultats sont comparables à ceux de la Nouvelle Angleterre. A savoir des fonds permanents financent un crédit stable et les banques ne détiennent qu’une très faible part d’encaisse parce que leur solvabilité leur permet d’assurer leur liquidité.
Un aperçu bibliographique des autres expériences de banques libres
Conclusion générale sur les expériences de banques libres
Saint Maurice (1911), page 150.
Lévy-Leboyer M., Histoire économique et sociale de la France, Tome 3, Braudel et Labrousse éditeurs, Collection Quadrige, P.U.F., Paris, 1993, page 381.
Source Weber 1999.
Jusqu’en 1825, une partie du crédit était accordée aux actionnaires et aux directeurs de la banque. En 1819, déduction faite de cette partie, le crédit à l’économie représente 48 % dans le total du bilan.
Chlepner B. S., La Banque en Belgique, Etude historique et économique, tome 1, Lamertin M. (éditeur), Bruxelles, 1926.
White L. H., Free Banking in Britain, Theory, Experience and Debate, 1800 - 1845, The Institute of Economic Affairs, Londres, [1984] 1995.
Weber E.J., « Free Banking in Switzerland After the Liberal Revolutions in the Nineteenth Century », The Experience of Free Banking, Kevin Dowd éditeur, Routledge, Londres, 1992 pages 187-205.